Le vin rouge a la réputation d’avoir des vertus pour la santé.
Entre fantasme et réalité que peut-on véritablement en dire ?
Le «French Paradox»
« Les Français ont des risques statistiques de maladie cardio-vasculaire 3,5 fois inférieurs aux Américains, grâce à leur consommation modérée de un à trois verres de vin rouge par jour, riche en antioxydants, en dépit d’une consommation équivalente de graisses saturées ».
Voilà ce qu’affirmait en 1991, Serge Renaud, chercheur de l’université de Bordeaux et ancien directeur de l’Inserm sur la chaîne américaine CBS News.
On s’est alors demandé par quel miracle la consommation de vin pouvait avoir de tels effets.
La présence de tanins a été largement avancée pour l’expliquer.
Il est vrai que le vin contient bon nombre d’antioxydants (dont les fameux polyphénols) issus de la peau et surtout des pépins du raisin.
D’accord, mais cela suffit-il à en faire une boisson santé ?
Ce que disent les études
Si l’on se penche sur toutes les études, il demeure difficile de se faire une opinion.
Certaines assurent qu’une consommation modérée de vin rouge (jusqu’à deux verres par jour pour les hommes et un verre pour les femmes), réduirait notablement le risque de maladie cardiovasculaire1,2.
D’autres, au contraire, disent que c’est une légende urbaine.
Ainsi, le Dr Miguel Marcos Martín, professeur et chercheur à l’Institut de recherche biomédicale de Salamanque, réfute l’idée que le vin rouge puisse avoir des effets protecteurs pour le cœur.
Selon lui, cette allégation « n’est pas clairement fondée sur des preuves scientifiques car sa véracité n’a pas été démontrée. »3
Il avance également que la présence dans le vin de resvératrol, qui fait partie des polyphénols bénéfiques à la santé cardiovasculaire, serait également un argument sans fondement, précisant qu’« il faudrait des quantités de ce composé bien supérieures à celles que l’on trouve dans quelques verres de vin pour avoir de tels effets sur la santé. »
Le hic, c’est l’alcool
Tous les spécialistes sont unanimes pour dire que la consommation d’alcool, même à petite dose, est néfaste pour la santé du cœur.
Elle augmente la tension artérielle comme le souligne avec insistance La revue du praticien4.
On peut y lire que « l’hypertension artérielle liée à l’alcool est à la base du lien de causalité entre la consommation d’alcool et le risque accru de plusieurs maladies cardiovasculaires. »
Dans ce contexte, n’oublions pas que l’hypertension est le troisième facteur de risque le plus important de morbidité et de mortalité à l’échelle mondiale.
Même les auteurs d’études ayant trouvé quelques vertus à la consommation de vin se montrent prudents, à l’instar de celle publiée en 2021 dans la revue Molecules5.
On y suggère que le vin rouge, en raison de la grande variété de composés polyphénoliques qu’il contient, est associé à un risque moindre de maladie coronarienne, mais les chercheurs nous mettent malgré tout en garde : l’alcool, même consommé modérément, augmente les risques de troubles du foie et de plusieurs types de cancers, entre autres maladies.
Selon les conclusions fournies, il faut retenir « qu’il ne semble pas judicieux de considérer le vin ou toute autre boisson alcoolisée comme un élément de promotion de la santé, et que les risques liés à l’alcool doivent toujours être considérés en premier lieu. »
Dans le vin, ce qui est bon, c’est le raisin !
Une consommation occasionnelle de bon vin associé à un régime alimentaire de type méditerranéen est sans doute la combinaison la plus profitable à la santé.
C’est en tout cas mon point de vue.
Mais à l’évidence, les antioxydants nous sont bien plus profitables si l’on va les chercher dans notre alimentation plutôt que dans un verre de vin.
Invitez plus volontiers une belle grappe de raisin à votre table par exemple, car c’est bien de ce dernier que le vin tire ses quelques vertus.
En plus d’être délicieux, ses propriétés thérapeutiques sont, pour le coup, largement prouvées : risque réduit de maladies chroniques, de certains types de cancer, de maladies cardiovasculaires6…
La peau et les pépins sont très riches en polyphénols, et en particulier en proanthocyanidines.
Les proanthocyanidines, ou OPC, sont des flavonoïdes (polyphénols) présents dans de nombreux végétaux mais on les trouve en grande quantité dans les pépins de raisin.
A l’instar de tout polyphénol, les OPC sont d’excellents antioxydants.
Si l’on s’attarde sur leur action contre les radicaux libres, on s’aperçoit qu’ils sont deux à cinq fois plus puissants que les vitamines C, E ou A qui sont pourtant les vitamines considérées comme les plus efficaces contre le vieillissement cellulaire.
A la différence des autres antioxydants, les OPC peuvent agir dans n’importe quel milieu : ils sont solubles dans l’eau et les lipides.
C’est un avantage car ils peuvent ainsi diffuser leurs bienfaits à l’ensemble de l’organisme.
C’est pourquoi on les qualifie de « hautement biodisponibles ».
Enfin, ce n’est pas leur dernier atout : les OPC ont la particularité de rester longtemps dans l’organisme, environ 72 heures, contrairement par exemple aux vitamines qui sont éliminées rapidement (au bout de deux à quatre heures).
Ainsi, les scientifiques ont observé qu’ils avaient une action protectrice sur les artères et le muscle cardiaque.
Ils agiraient favorablement sur les risques d’athérosclérose, le taux de LDL (le mauvais cholestérol), la pression sanguine et l’inflammation7,8.
Une bonne raison de ne plus cracher les pépins de raisin, mais de bien les mâcher avant de les avaler.
Le mot de la fin
Quant au vin, vous l’avez compris, la question reste ouverte. D’autant que les études oublient de prendre en compte une dimension essentielle, difficilement mesurable, mais qui agit probablement beaucoup sur notre santé : le plaisir.
A mon sens, le vin devrait rester cela, un plaisir de la table à partager entre amis ou en famille à défaut d’être considéré comme un argument santé.
L’art d’élaborer de grands crus et celui de savoir les déguster sont nobles et font partie intégrante de notre culture.
N’allons pas chercher plus loin, c’est là que se trouvent tous les bienfaits du vin : nous procurer du plaisir, de la convivialité et de la joie.
Et c’est déjà beaucoup !
Et vous ? Quel est votre opinion sur le sujet ?
Laurent
[1] Serio F, et al. Moderate red wine intake and cardiovascular health protection: a literature review. Food Funct. 2023 [2] Lombardo M, et al. Health Effects of Red Wine Consumption: A Narrative Review of an Issue That Still Deserves Debate. Nutrients. 2023 [3] https://www.bbc.com/afrique/articles/cn0y0jd0n7no [4] https://www.larevuedupraticien.fr/article/consommation-dalcool-et-hypertension-arterielle [5] Santos-Buelga C, et al. Wine, Polyphenols, and Mediterranean Diets. What Else Is There to Say? Molecules. 2021 [6] Yang J, et al. Grape phytochemicals and associated health benefits. Crit Rev Food Sci Nutr. 2013 [7] Odai T, et al. Effects of Grape Seed Proanthocyanidin Extract on Vascular Endothelial Function in Participants with Prehypertension: A Randomized, Double-Blind, Placebo-Controlled Study. Nutrients. 2019 [8] Gupta M, et al. Grape seed extract: having a potential health benefits. J Food Sci Technol. 2020