Cet instant de la soirée me déçoit toujours : nous sommes invités à dîner chez des amis, tout est choisi avec soin, les vins et les mets s’accordent à merveille, mais après le dessert (ou après le digestif dans les grandes occasions), patatras ! Notre hôte fait toujours la même faute de goût.
Il revient de la cuisine avec une grande boîte métallique pleine de sachets de toutes les couleurs et propose à la cantonade le choix entre café, thé et infusion.
Il ne vous viendrait pas à l’idée d’annoncer en guise de plat principal : dinde, merguez ou îles flottantes ? Ou de proposer comme boisson : vin rouge, champagne ou jus d’orange ?
Alors, quand vous choisissez votre boisson chaude du soir, ne choisissez pas au petit bonheur la chance l’image la plus jolie sur le sachet, le parfum de fruit que vous préférez, ou la verveine parce que c’est ce que tout le monde prend.
Autant d’infusions différentes que de plantes, avec chacune leurs mérites
Une infusion le soir c’est deux promesses en une seule tasse : celle de bien dormir, et celle de bien digérer. Et si vous êtes malade, ou simplement mal fichu, ça peut être aussi une troisième promesse, celle d’aller mieux le lendemain.
Mais pour que votre infusion tienne ses promesses, vous devez choisir celle qui vous fera du bien, et non pas sélectionner au hasard entre l’éléphant rose ou le palais du Maharadjah.
Mais d’abord, pourquoi une boisson chaude avant de dormir ?
Pour deux raisons.
La première est que votre corps a besoin de se refroidir pour bien dormir.
Or, les capteurs de température situés dans notre ventre réagissent à la température de ce que nous ingérons. Si nous ingérons du chaud, ils déclenchent la transpiration, qui est le mécanisme de régulation de la température corporelle.
Donc boire chaud, comme le savent les habitants des pays ensoleillés, aide à se rafraîchir, et prépare votre corps à la nuit.
La deuxième, bien sûr, tient au fait que les composants actifs des plantes sont solubles dans l’eau, mais bien plus rapidement si elle est chaude.
Le soir, on se prépare pour la nuit, ce moment si important
Certaines boissons chaudes sont défavorables au sommeil, et pourtant les gens continuent d’en boire le soir. Prenons le temps de bien expliquer pourquoi la caféine nuit au sommeil, et où on en trouve.
C’est un alcaloïde qui empêche les neurotransmetteurs favorables à l’endormissement (comme l’adénosine) d’agir. Bien sûr, cet effet est plus ou moins marqué selon les individus, et certaines personnes vous affirmeront que la caféine ne leur fait rien. C’est faux.
De nombreuses études ont montré que le sommeil est meilleur, quantitativement et qualitativement, en l’absence de caféine. Par exemple, cette vieille étude, publiée en 1974 dans le British Journal of Clinical Pharmacology, a comparé les cycles de sommeil des mêmes sujets selon qu’ils avaient bu, avant de dormir, du café normal, du café décaféiné ou pas de café[1]. Avec caféine, la durée moyenne de sommeil était réduite de deux heures, et surtout les temps de sommeil en phases 3 et 4, les plus importantes, étaient significativement diminués.
Cela signifie que boire ou offrir un café à vos amis avant de dormir n’est pas un geste généreux : vous leur souhaitez de passer une mauvaise nuit !
Le thé et le chocolat contiennent presqu’autant de caféine que le café
Or, de la caféine, il n’y en a pas que dans le café.
Vous proposez parfois à vos petits-enfants de boire un chocolat chaud avant de s’endormir, lorsqu’ils ont mal à la gorge ? C’est mauvais pour leur sommeil.
Pour éviter la caféine, vous proposez du thé ou des infusions à base de thé à vos amis ? Le résultat est le même : la théine et la caféine étant la même molécule sous deux noms différents.
Voici la dose de caféine contenue en moyenne dans une tasse :
- 110 à 150 mg pour du café filtre ;
- 30 à 50 mg dans un espresso ;
- entre 20 et 1 000 mg pour le thé (selon le genre de thé, la qualité et parfois même la récolte) ;
- 11 mg dans un chocolat chaud ;
- 1 à 5 mg dans une tasse de décaféiné.
Pour éviter la caféine, il n’y a que trois solutions :
- boire du café décaféiné (assurez-vous qu’il soit décaféiné à l’eau, sans produits chimiques) ;
- boire du lait chaud sans chocolat (qu’on peut agrémenter d’un peu de fleurs d’oranger) ;
- boire des infusions sans thé (attention, de nombreuses infusions aromatisées en contiennent).
Infusions, tisanes, mélange d’épices, etc. Quelle est la différence ?
Comment s’y retrouver dans l’univers des infusions ?
Techniquement, il n’y a pas de différence entre infusion et tisane : l’infusion désigne un mode de préparation, le fait de tremper une partie de plante dans de l’eau chaude. Les tisanes sont donc des infusions (le café filtre et les thés aussi).
Mais les dénominations légales distinguent :
- les thés ;
- les tisanes ;
- les rooibos (qui ne sont pas du thé et ne contiennent donc pas de caféine) ;
- les préparations aromatisées pour infusion ;
- les mélanges de thés et de plantes ;
- et les mélanges d’épices.
La pharmacopée officielle, une liste imparfaite qui fait cependant référence
Que recouvrent ces différences ? C’est compliqué.
Disons pour simplifier que, en France, ne peuvent prétendre à l’appellation “tisane” que les infusions qui ne contiennent que des plantes figurant dans la pharmacopée officielle[2] ou dans la liste officielle des plantes médicinales utilisées traditionnellement [3].
Un mélange menthe poivrée/tilleul est une tisane. Un mélange menthe poivrée/tilleul/morceaux de pommes aussi. Mais si vous ajoutez des pétales de fleurs ne figurant pas dans la pharmacopée, ou des arômes, cela deviendra une préparation aromatisée pour l’infusion.
Parfois, cela tient à peu de choses.
Le thym vulgaire et le thym serpolet figurent à la pharmacopée, mais pas le thym citron (Thymus citriodorus). Et le marketing s’en mêle. Le mot “infusion” est plus à la mode que “tisane”, allez savoir pourquoi. Certaines tisanes sont donc aussi appelées infusions sur les emballages – même si elles pourraient se réclamer d’être des tisanes.
La grande majorité des produits dans le commerce sont ainsi présentés sous la dénomination “infusion”. Cela ne veut pas dire qu’ils ne contiennent pas des plantes reconnues pour leurs vertus médicinales, mais qu’ils contiennent également autre chose, soit d’autres plantes, soit des arômes, naturels ou non.
Mais alors quelles plantes privilégier ?
Avant même de parler des plantes, parlons de leur préparation et de leur conservation. Les composants actifs sont solubles, mais ils sont aussi volatiles. Cela signifie qu’au contact de l’air, ils s’évaporent. D’où l’importance d’utiliser des feuilles entières, en tout cas d’éviter des produits en poudre.
La nature étant bien faite, la feuille même séchée, préserve mieux les composants qu’un sachet de poudre dans un emballage hermétique. Vous n’êtes pas obligé d’acheter des feuilles en vrac, de nombreuses marques proposent des sachets contenant des feuilles entières.
En revanche, veillez à n’acheter que des produits bio (qui composent déjà la majorité de l’offre). Comme l’a rappelé un test de 60 Millions de consommateurs fin 2017, les thés contiennent de nombreuses traces de pesticides[4]. Les feuilles des plantes sont les plus exposées aux pesticides, et elles ne sont pas lavées intentionnellement pour préserver leurs vertus gustatives et médicinales.
Mais finirez-vous par nous dire quelles infusions choisir ?
Mais bien sûr.
Juste un dernier point avant de parler des bienfaits des plantes. Faut-il choisir les tisanes ou infusions qui ne contiennent qu’une plante, ou celles sous formes de mélanges, et peut-on les prendre aromatisées, ou suivre les puristes qui regardent de haut le mélange de Noël ou l’arôme tarte tatin ?
Ça n’a pas d’importance. Ça ne changera que la concentration, dans le cas des mélanges, et le goût, s’agissant des arômes. Si vous n’aimez pas le goût du thym, mais que c’est ce qui vous ferait du bien, il n’y a aucune raison de ne pas choisir une infusion à base de thym mais aromatisée.
Comment constituer votre boîte à tisanes pour vos invités ?
Voici quelques conseils pour composer une boîte à tisanes dans laquelle chacun, aidé par vos conseils, pourra trouver la boisson idéale pour le soir.
Souvent, on se laisse tenter par une infusion parce qu’on a peur d’avoir pris froid, ou que le nez coule déjà. Le tilleul et le thym sont les deux tisanes communes à proposer, d’autant qu’elles ont des goûts très différents. En cas de toux ou de mal de gorge, on peut y associer la sauge (avec une pointe de miel pour masquer son goût amer) ou la grande mauve.
D’autres invités auront juste envie de se préparer à bien dormir. Offrez-leur de la verveine ou du tilleul, ou si vous voulez être un peu plus original, de la passiflore ou de la valériane. Si vous avez envie de couleur, et d’un goût plus prononcé, le pétale de coquelicot et la fleur d’oranger permettent de composer de très belles infusions favorables au sommeil.
Si le repas a été un peu lourd, ou que certains des convives ont des difficultés de digestion, c’est le moment de recommander le fenouil ou la camomille. Vous pouvez aussi proposer du rooibos dont les gens apprécient souvent le goût très doux. Autre goût, avec ses adeptes, la menthe poivrée.
Y’a-t-il une infusion passe-partout qu’on peut proposer en toutes circonstances, y compris à ceux qui se méfient des remèdes de grand-mère ?
Non, c’est comme le vin idéal que tout le monde adore, cela n’existe pas. Mais vous pouvez ajouter dans votre boîte une infusion de fruits rouges, qui aura belle allure et sentira bon. Votre infusion sera juste de l’eau chaude colorée avec du goût, mais l’essentiel est que tout le monde soit content.
P.S. : Le geste simple que vous pourriez faire aujourd’hui ?
Vérifiez les dates de péremption de vos cafés, thés et tisanes. Vous risquez d’avoir des mauvaises surprises. En perdant de la fraîcheur, ces produits perdent une grande partie de leur goût et de leurs propriétés.