Le carbone 60, miraculeux ou dangereux ?

carbone 60

Vous connaissez ma curiosité.

Je ne compte plus le nombre d’heures passées sur internet ou en librairie à dénicher LA plante, LA molécule, qui pourrait révolutionner la santé naturelle.

Récemment, une lueur s’est allumée dans mes yeux et mon cœur s’est mis à battre un peu plus vite lorsque je suis tombé sur le carbone 60.

Cette molécule de carbone découverte en 1985 par trois chercheurs, Harold Kroto, Richard Smalley et Robert Curl, récompensés par le Prix Nobel de Chimie en 1996, est porteuse de promesses incroyables.

Trop beau pour être vrai ?

Telle est la question du jour.

Une rareté aux applications multiples

Le carbone 60 appartient à une famille de molécules de carbone très particulières appelées « fullerènes ».

Ces structures sont composées de 60 atomes de carbone en forme de sphère.

Les fullerènes sont déjà exploités dans divers domaines tels que la nanotechnologie, l’électronique, les produits pharmaceutiques, ou encore le secteur des énergies renouvelables.

Ces molécules présentent en effet des propriétés exceptionnelles de robustesse, de solubilité et de conduction très utiles dans l’industrie.

Mais ce qui m’intéresse surtout, c’est leur action sur la santé.

En effet, le carbone 60, ou C60, suscite une passion grandissante en raison de ses propriétés antioxydantes exceptionnelles.

Certaines études scientifiques ont montré que ce petit bijou de la nanomédecine pourrait renforcer le système immunitaire, réduire les risques de maladies cardiaques, lutter contre l’inflammation et améliorer la fonction cognitive1,2,3.

Aurait-on trouvé la fontaine de jouvence ?

Lors de mes recherches, je suis retombé sur un article de 2012 au titre alléchant : « The prolongation of the lifespan of rats by repeated oral administration of [60] fullerene »4. Il donnerait presque le tournis lorsqu’on en décortique le contenu.

Les chercheurs se sont notamment interrogés sur la potentielle toxicité du carbone 60 ; jusque-là les expériences étaient menées in vitro et ses effets étaient surtout théoriques.

Mais cette expérience sur des rats a donné des résultats au-delà de toute espérance.

Voici la conclusion de l’article : « Nous montrons ici que l’administration orale de C60 dissous dans l’huile d’olive (0,8 mg/ml) à doses répétées (1,7 mg/kg de poids corporel) à des rats non seulement n’entraîne pas de toxicité chronique, mais double presque leur durée de vie. »

Un effet visiblement dû à la diminution du stress oxydatif associé à l’âge.

Il n’en fallait pas plus pour que des compléments alimentaires (mais aussi diverses huiles d’olive ou de coco au C60 !) envahissent le marché, notamment aux États-Unis.

Certains Américains en consommeraient depuis des années avec, selon leurs dires, de nombreux bénéfices sur leur santé.

En France aussi on commence à trouver, sur internet surtout. Des sites proposent le produit miracle avec des mentions suggérant que le C60 agirait sur les mitochondries, les télomères, l’immunité, nous protégeant du vieillissement, des ondes et même du cancer !

Doit-on pour autant s’attendre à des miracles ?

La prudence est de mise

Primum non nocere. Rappelez-vous le premier principe enseigné aux étudiants en médecine : « d’abord, ne pas nuire ».

Nous n’avons pas assez de recul pour affirmer l’innocuité totale du C60, même à court terme !

Il faut garder à l’esprit que la taille de ces particules est proche du nanomètre.

Cela peut être considéré comme un avantage offrant une assimilation maximale – on sait d’ailleurs qu’il est rapidement absorbé par les tissus – mais le revers de la médaille est que le C60 passe aisément la barrière hémato-encéphalique ainsi que les membranes cellulaires.

Or, nous ne connaissons pas précisément son mode d’action au niveau intracellulaire, ni ses conséquences au niveau de l’ADN.

Quand on sait que la barrière hémato-encéphalique protège le cerveau d’un certain nombre de bactéries ou de toxines, on peut s’interroger sur les risques possibles du passage de nanoparticules dont on ne connaît pas exactement tous les effets.

Une simulation informatique a été menée par l’Université de Calgary pour tenter d’évaluer la toxicité des particules de C60.

Les résultats ont été publiés dans Nature Nanotechnology5,6.

Les chercheurs estiment qu’à des concentrations élevées les molécules de C60 pourraient se rassembler à l’intérieur des cellules et causer des dommages.

Certes, d’autres auteurs tempèrent déjà ces résultats, mais retenons que la méfiance reste de mise tant que des expérimentations plus poussées n’auront pas été conduites.

En attendant d’être fixé

Selon moi, les produits avec du carbone 60 présentant le moins de risques sont les cosmétiques.

Le C60 est de plus en plus utilisé dans les sérums, les crèmes, les masques et les huiles anti-âge.

À essayer si vous souhaitez réduire les rides et les ridules, améliorer la texture de votre peau, augmenter son élasticité et son hydratation.

En revanche, si vous recherchez un antioxydant par voie orale efficace et sans danger, je vous recommande plutôt :

  • Le jus de grenade.
  • Les proanthocyanidines, ou OPC, qui sont des flavonoïdes présents en grande quantité dans les pépins de raisin. Ils sont deux à cinq fois plus puissants que les vitamines C, E ou A !
  • Le thé vert.
  • Le shatavari. En Inde, cette plante est considérée comme un véritable élixir de jouvence. Elle contient beaucoup d’antioxydants. Vous la trouverez en poudre (à mélanger à des jus, des compotes ou des yaourts), séchée pour faire des infusions, sinon en gélules ou comprimés. Vous pouvez prendre une ou deux gélules par jour selon les recommandations du fabricant.

Le shatavari est déconseillé aux femmes ayant des antécédents personnels ou familiaux de cancer du sein et aux personnes ayant des antécédents personnels ou familiaux de cancers hormonodépendants.

Dans de rares cas, le shatavari peut provoquer des réactions allergiques pulmonaires ou cutanées. Par prudence, les personnes ayant des problèmes rénaux ou cardiaques, ainsi que celles souffrant d’obésité éviteront de l’utiliser.

Et vous, avez-vous déjà essayé le carbone 60 ?

A bientôt,

Laurent

[1] Hui M, et al. Anti-Inflammatory and Antioxidant Effects of Liposoluble C60 at the Cellular, Molecular, and Whole-Animal Levels. J Inflamm Res. 2023

[2] Lin CM, et al. C60 fullerene derivatized nanoparticles and their application to therapeutics. Recent Pat Nanotechnol. 2012

[3] Hao T, et al. Fullerene mediates proliferation and cardiomyogenic differentiation of adipose-derived stem cells via modulation of MAPK pathway and cardiac protein expression. Int J Nanomedicine. 2016

[4] Baati T, et al. The prolongation of the lifespan of rats by repeated oral administration of [60]fullerene. Biomaterials.

[5] Tieleman DP, et al. Computer simulation study of fullerene translocation through lipid membranes. Nat Nanotechnol. 2008

[6] https://indico.fysik.su.se/event/1073/timetable/?print=1&view=standard